Revendre, acheter, donner ou encore échanger ses articles d’occasion : qu’il s’agisse d’une volonté de consommer plus durablement ou de faire des bonnes affaires, l’engouement pour la seconde main connaît un essor sans précédent, avec une croissance annuelle de 20%.
Longtemps la cible des associations comme Emmaüs, les offres de seconde main à bas prix apparaissent dorénavant chez les géants de la mode et du e-commerce… si bien qu’en quelques années, Vinted est devenu le 3ème site e-commerce de France et que 9 Français sur 10 achètent désormais d’occasion ! (1)
La seconde main et l’économie circulaire parmi les solutions pour une transition écologique et solidaire
Consommer des produits de seconde main permet d’éviter la fabrication de produits neufs et donc l’utilisation et la transformation de ressources ainsi que les émissions de CO2. Que ce soit pour les vêtements, les smartphones ou tout produit de consommation, le passage d’une économie linéaire à une économie circulaire fait aujourd’hui clairement partie des solutions pour favoriser une consommation plus éco-responsable.
Dans le cas d’un smartphone, l’achat d’un appareil de seconde main permet de réduire les émissions de 77 à 91% par rapport à l’achat d’un produit flambant neuf (2). Pour une robe, l’achat d’occasion permet d’éviter l’émission de 56 kg de CO2, autant qu’un trajet de 500 km dans une voiture récente (3).
L’offre de produits d’occasion permet depuis de très nombreuses années à des personnes financièrement moins favorisées de se vêtir ou s’équiper à moindre coût, grâce aux friperies et ressourceries. Le marché de la seconde main s’inscrit donc pleinement dans les objectifs d’une transition écologique et solidaire en permettant de réduire l’impact écologique de la consommation de biens courants tout en les rendant accessibles au plus grand nombre.
Les conséquences sociales de l’essor de la seconde main
Pour que la solution en soit véritablement une, il faut rester attentif à plusieurs autres points qui ont accompagné l’essor de la seconde main.
Historiquement, la seconde main bénéficiait quasi-exclusivement aux ressourceries et friperies telles qu’Emmaüs, La Croix-Rouge ou encore la Fédération ENVIE, dont la mission consiste à lutter contre la pauvreté et l’exclusion en créant de l’emploi solidaire grâce à la revente de produits de seconde main donnés.
Or depuis l’arrivée d’applications de reventes entre particuliers comme Le Bon Coin, Vinted… ces structures se retrouvent fragilisées pour deux raisons :
La première est la baisse de la qualité des dons. Un article en bon état sera revendu plutôt que donné à ces associations ou friperies. Seuls les produits trop peu qualitatifs pour être achetés sur les applications seront récupérés par les associations comme en témoigne la directrice de Label-Emmaüs, Maud Sarda, dans une interview donnée à Novethic (4).
La deuxième consiste en une concurrence sur les prix provenant des coûts de main d’œuvre. En effet, le marché du reconditionnement et de la seconde main s’est mondialisé et avec lui la possibilité pour des structures installées dans des pays éloignés aux conditions de travail moins strictes et transparentes de concurrencer les associations.
Les effets environnementaux dissimulés de la seconde main
Loin de la promesse initiale de réduire la consommation de ressources, le développement rapide de la seconde main a en réalité provoqué l’effet inverse : la seconde main augmente fortement mais la production de neuf ne diminue pas.
Cette dernière continue d’augmenter :
L’effet rebond
En économie, on parle d’effet rebond lorsque le fait d’économiser des ressources et donc le plus souvent de l’argent dans un domaine provoque l’utilisation d’autres ressources équivalentes dans un même ou autre domaine. Finalement, la remise au marché de produits à bas coûts mêlée avec une grande simplicité d’achat incite les utilisateurs de l’application à acheter davantage de produits qu’ils ne l’auraient fait s’ils avaient été neufs.
La compensation de conscience
Il existe un effet rebond encore plus dissimulé : l’effet rebond dit « de conscience« . Ici, la ressource n’est plus l’argent mais la bonne conscience.
Les nouveaux entrants sur le marché de la seconde main en ont bien compris le principe et s’en servent pour nous pousser à revendre et racheter davantage.
S’il n’est pas rare de voir l’exploitation de cette compensation de conscience sous d’autres formes comme la compensation carbone : « volez dans nos avions, on plante des arbres » ou la compensation « solidaire » : « ne vous en faites pas pour les conditions de travail de nos fournisseurs, c’est solidaire : on donne 1% de notre chiffre d’affaires à des associations » ; ce qui distingue celle-ci sur le marché de la seconde main est la force avec laquelle elle est appliquée par les nouveaux entrants.
Une idée bien éloignée de celle de promouvoir la sobriété.
Les incitations des applis à faire acheter neuf
Sur les applis et plateformes de reventes entre particuliers, l’occasion ne remplace pas toujours le neuf : une grande partie des revendeurs se tournent vers l’achat d’articles de première main avec l’argent gagné grâce à la revente de leurs vieux vêtements.
Ainsi, à l’inverse de l’intérêt premier de la seconde main d’allonger la durée de vie de nos objets et de favoriser l’économie circulaire, les effets rebonds ne conduisent pas nécessairement à une consommation plus sobre en ressource.
Conclusion
Chez Chrysalides, nous pensons que le développement de la seconde main est une excellente nouvelle pour la transition écologique et solidaire. Elle permet à de nombreuses personnes de s’équiper tout en économisant les ressources de la planète par rapport à l’achat de produits neufs.
Cependant, si la consommation de produits d’occasion ne s’accompagne pas d’un réel questionnement sur ses besoins, l’effet attendu peut facilement s’inverser… Alors, pour savoir si on est dans l’un ou l’autre des cas, comme souvent, on vous propose d’appliquer la méthode BISOU.